Pêcher en Livradois Forez            

L' Ombre                     (Thymallus thymallus )    

                      

En  rivière de moyenne montagne :

L'Ombre commun,  fait partie de l'ordre des salmoniformes, de la famille des thymallidés. Son nom est dû à la difficulté de repérer ce poisson qui se déplace comme une ombre furtive au fond de la rivière. Pour que l'ombre se plaise, il faut une alternance de courants vifs avec de grandes fosses, de grands plats et des gravières. Il est beaucoup moins exigeant que la truite quant à la qualité de l'eau. On le trouve surtout dans les rivières de Franche Comté ( ma terre natale que je connais bien ) sur la Loue, le Dessoubre, l'Ognon, le haut Doubs aux alentours de Goumois, haut lieu pour la pratique de la pêche à la mouche, et bien sur dans le Massif Central comme L'Alagnon ou l'Allier, la Dore en Livradois-Forez et bien d'autres rivières . Sur la rivière, la zone à ombre fait suite à la zone à truite et précède la zone à barbeaux, en aval. La meilleure saison pour le pêcher reste l'automne.
Il se tient en eau plus ou moins profonde, suivant la température et sa taille, les adultes recherchant un plus grand fond que les jeunes. Habitués des postes profonds et oxygénés, on le rencontre aussi à faire les bordures à la recherche de gammares ou d'escargots. Et parfois, les gros "pépères" nous surprennent dans peu d'eau. Dans un secteur mixte à truites et à ombres, les truites choisissent les caches, les bords tourmentés et accidentés. Lithophile, l'ombre vit sur les lits de galets ou dans les gravières.

MODES DE PECHE : 

L'ombre se tient le ventre collé aux galets du fond, et dès qu'il aperçoit un insecte dérivant en surface, il monte en effectuant un mouvement de bascule du corps qui va le déporter vers l'aval, il gobe alors sa proie puis redescend vers le fond où il reprend son poste.

AU TOC : . Les gros ombres sont sensibles aux larves vivantes présentées sur des lignes fines. Aux appâts naturels, à l'aide d'une longue canne de 5 m, une ligne fine et souple ( corps en 14/100 et long bas de ligne en 12 ou 10/100 ) avec une petite bille de polystyrène ou un brin de laine comme indicateur et comme appâts vivants des larves comme la petite bête ou la patraque. L'action de pêche est la même que pour la truite. 

A LA MOUCHE : En sèche, en noyée, en nymphe

LE MATERIEL : La Canne : de 8.5 à 10.5 pieds selon la largeur de la rivière, d'action douce. La soie sera autoflottante double fuseau (DT) ou en automne, par temps venteux une décentrée ( WF). Un moulinet large harbor. Le Bas de ligne tressé devra être assez long pour que la soie reste loin pendant la dérive : de 3.5 à 5 m, avec une pointe longue ( 1.5 à 2m ) et fine ( 10 à 14/100 ), en fonction de la taille de la mouche. Surtout pas de draguages lors du poser, posers moelleux et précis, bien en amont de l'ombre.                                 

EN SECHE : Préférez pour la sèche une 9 pieds soie de 5 d'action semi-parabolique ou de pointe. En début de saison, les mouches seront identiques à celles de la truite, en automne les mouches devront être de petite taille montées sur hameçon de 16, 18 ou 20. Araignées, sedges, palmers, culs de canard, moucherons, fourmis... Ainsi que des modèles fantaisie aux couleurs vives à corps de tinsel. Sur les petites rivières, les ombres sont méfiants, il faut être plus que discret et attaquer légèrement amont. Sur les plus grandes rivières comme la Dore à certains endroits, mieux vaut attaquer plein travers ou en aval. Quand on a repérer un gobage, il faudra poser la mouche bien en amont de ce gobage, à deux fois la hauteur de l'eau. Une longue dérive sera nécessaire avec un posé courbe. En cas de refus, il faudra changer de mouche. L'été hors période d'activité, "pêcher l'eau" dans les courants et lors des éclosions au coup du soir et du matin ( à ne pas négliger ), quant aux heures de milieux de journée, elles peuvent toujours réserver de bonnes surprises. Le ferrage se fera en relevant simplement la pointe de la canne.

EN NOYEE : Lorsqu'il n'y a pas d'activité de surface ou pour ratisser les grandes gravières, il sera nécessaire de pêcher en noyée. Elle se pratique comme pour la truite, en aveugle, 3/4 aval, avec trois mouches classiques peu fournies en hackles. On peut animer les mouches de petite tirée de tremblotements de la pointe du scion. La touche, souvent brutale, servira à ferrer le poisson. Les mouches : Elles doivent briller. La Micro Bibi, une mouche sur hameçon à tête plombée par une soudure ou munie d'une tête en perle dorée ( ou translucide orange ). Les corps en laine ou en dubbing avec tinsel marron, violet,vert, olive. Les fibres brillantes des collerettes, le tout généralement sur un hameçon de 16.

 EN NYMPHE : La canne, une 9,6 pieds à 10 pieds, soie 5 à 6 d'action de pointe   ( WF ou triangle Taper ) me semble un bon outil. Le bas de ligne est déterminant : d'action lente pour des pêches fines en 8 brins (40cm de 45 centièmes, 50cm de 40, 60cm de 35, 70cm de30, 80cm de 25 avec micro boucle ligaturée, 90cm de 20, 1m de 16 et 2m de 10 au total 6.90m en nylon type maxima très souple avec 10 mn de cuisson à la cocotte minute) et la connexion avec la soie sera un perçage avec un noeud à l'aiguille collée.
Tous les brins sont reliés par un noeud baril sauf la pointe par un noeud de chirurgien. Bien dégraisser la pointe. Ainsi, le bas de ligne sera long et souple pour permettre à la nymphe de descendre le plus rapidement possible au ras du fond. A partir de Septembre, quand l'eau descend en dessous de 18°, l'ombre diminue ses besoins alimentaires. Aussi, les gobages se raréfiant, il devient utile de le pêcher en nymphe. On utilise cette technique de préférence quand les poissons sont visibles, ou "au fil " sans voir les poissons. En période estivale les plus gros se prennent dans les trous profonds, de préférences tôt le matin et sur les bordures ainsi que dans les parties les plus oxygénées dans la journée.
Deux techniques pour pêcher l'ombre en nymphe: nymphe lourde ou légère. Toujours à proximité du fond en lui amenant la nymphe au plus près, car les ombres en activité se tiennent dans les veines profondes. Pour le début de saison, ou après les crues, une grosse nymphe lourde qu'il faudra animer.
Une petite nymphe lourde pour les veines d'eau profondes, pour finir avec une petite nymphe légère quand les eaux sont basses en dérive inerte ou avec une animation très discrète en fin de dérive. Le bas de ligne sera fluorescent avec une pointe neutre. Dans les bouillons : avant tout, il faudra analyser chaque veine d'eau, chaque dérive. Lors du lancer, la nymphe de 14, relativement plombée et d'aspect lisse devra percer la surface de l'eau, suivant la technique du marteau. Juste avant de poser, il faut faire remonter sa soie à la verticale en fixant des yeux l'endroit où la mouche devra s'immerger. Les nymphes de septembre seront compactes et lisses, en évitant celles en dubbing retenant l'eau. Il faudra contenter la curiosité de l'ombre en lui présentant des modèles qui brillent ( vernis, tinsel, perles ).L'hameçon sera du 18 au 12. Rechercher le trou bleu, juste derrière les blocs de roche. Le lancer s'effectue en amont du poste ou du poisson repéré, et en fin de dérive, relevez doucement la canne en animant la nymphe. Le ferrage se fera au moindre mouvement ou déplacement du fil. 
LES MOUCHES : Un prélèvement de la nourriture dans l'eau pourra être très utile. La Pheasant Tail en trois tailles et trois lestages différents pourra donner de bons résultats toute la saison. Pour les fonds dégagés ( sable, graviers, galets ) les nymphes seront lourdes très dépouillées et ventrues ( roulette et boudin ). Les tons restent le gris, marron foncé ( sabre de faisan ) et plus rarement rouge foncé, ivoire ou jaune. D'hameçon de 18 à 24 de type moulées dorées ( si temps ensoleillé ) ou cuivrées ( si temps couvert ou nuageux )

SON ALIMENTATION :L' ombre est très exigeant quant à la qualité du substrat, origine de sa raréfaction. L'ombre adulte se nourrit d'animaux benthiques : mollusques, escargots tels que les physes dont les oeufs sont déposés sur les plantes aquatiques, qui consomment beaucoup d'algues,  et se confondent parfois avec la petite limnée columelle dont la coquille s'ouvre à droite alors que celle de la physe s'ouvre à gauche. De crevettes d'eau douce (gammares), vers, larves d'insectes aquatiques (chironomes, porte-bois…) mais il n'hésite pas à monter souvent à la surface de l'eau pour venir gober les insectes emportés par le courant qu'une excellente acuité visuelle lui a permis de distinguer (éphémères, cousins, fourmis ailées…). Il n'est pas rare non plus que ce poisson se nourrisse d'œufs de poissons, voire d'alevins d'autres espèces. Il est éclectique consommant , éphémères et clioptères. Adulte il apprécie moins les plécoptères et les gammares s'il a le choix. . L’ombre âgé d’un an semble leur préférer quand il a le choix les subimagos d’éphémères genre Baetis et Ephémerella. Il ingurgite volontiers trichoptères et diptères (mouches diverses) et toutes sortes de nymphes. Il préfère les proies de petite taille surtout lorsqu'il est installé sur la partie aval du secteur. Dans le secteur amont il accepte parfois des proies plus substantielles. En eau claire et basse et saison d’été avancée il devient diabolique triant moucherons infimes , les minuscules chironomes quasiment imperceptibles; les gros ombres poussent encore plus loin que leurs cadets ce véritable machiavélisme. Le jeune ombre (ombret en dessous d’un an) se nourrit surtout de larves d’éphémères, chironomes et trichoptères. Il se nourrit moins en surface que ses aînés. Il consomme beaucoup moins de gammares. Dans les secteurs mixtes il ne concurrence guère la truite et inversement, chaque poisson ayant son propre habitat. Il y a naturellement des parcours où les tenues n'étant pas très différentes une compétition certaine peut s'établir, qui tourne tôt ou tard à l'avantage de la truite. Il se nourrit à fond et en surface. Son gros avantage est sa puissance de nage qui lui permet de se nourrir en plein courant là où les cyprinidés ont du mal à tenir.   

SON MODE DE VIE Ce poisson ne se déplace qu'avec des sujets du même âge . On le trouve dans les grands courants qui s'étalent sur de vastes lits de galets, avant et après un rapide, sur des plages semées de grosses pierres ou sur le fond derrière de gros rochers émergents. Il exige des eaux bien oxygénées et choisit un habitat plus ou moins profond suivant la température de l'eau ou l'âge du sujet (les adultes recherchent plus de profondeur). L'été, il séjourne dans les fosses profondes, à l'automne on le retrouve dans les grands lisses peu profonds au début ou à la fin de radier.      
En dépit de mesures de protection, une menace pèse toujours sur cette espèce sensible à toutes les pollutions et menacée par les extractions de granulats qui détériorent les frayères !Il est plus exigeant que la truite pour la pureté des eaux, tout en les préférant moins glaciales. La pollution la plus minime lui est insupportable et néfaste. La faible quantité d'œufs ( 3000 à 6000 ) pondus et souvent consommés par des prédateurs (le hotu, par exemple) sont d'autres agents responsables de sa progressive disparition. Vivant en bandes nombreuses, le hotu ravage les frayères, dévorant les œufs et le jeunes alevins. Il suffit de quelques années d'occupation par le hotu d'une zone ombre pour constater l'élimination de ce beau poisson de sport, très recherché des gourmets. Sa chair est subtilement aromatisée (du latin thymum : thym). Aujourd'hui, l'élevage en pisciculture semble être une excellente formule pour remédier à cette situation préoccupante.
Quelques règles sont à observer pour préserver l'espèce : Pour décrocher l'ombre avant de le remettre en liberté, puisque nous sommes des adeptes du vrai NO-KILL, il est préférable de le laisser dans l'eau, de faire glisser le nylon entre le pouce et l'index jusqu'à la mouche, puis de secouer légèrement la ligne en tenant bien l'hameçon. Ne pas le serrer dans ses mains mais le poser et profiter des 15 secondes d'inertie pour le décrocher, tout en le faisant régulièrement changer de position. Le grand mal de l'Ombre est la bactérie aeromonas salmonicidea, au travers de la furonculose. Pendant les amours, l'ombre se frappe la queue sur les galets ( 80% de la maladie ). Des écailles s'en détachent et la bactérie s'installe. Des furoncles grossissent avec une mousse blanchâtre. Des cheptels entiers s'éteignent ainsi, il faut plusieurs années pour le reconstituer. En ombréiculture, l'antibiotique administré aux ombres isolés, par voie orale à l'aide d'un tube est très efficace lorsque la maladie n'est pas encore trop évoluée. Ils se tapent contre les grilles bien qu'elles soient adaptées, c'est le départ de la maladie sur les lèvres, dans la nature ce peut être l'hameçon. L'idéal pour éviter l'aggravation de la propagation de la maladie serait déjà que les pêcheurs s'abstiennent de les pêcher en période de frai, car la maladie se développe surtout à cette période, de Mars à Mai, en évitant ainsi hameçons et manipulations. Je me demande ce qu'attendent les instances dirigeantes pour décaler au niveau national les dates d'ouverture et de fermeture de l'ombre ( qui pourraient être mi-juin/ mi-octobre pour ne pas déranger la truite qui va ensuite frayer ), peut-être l'extinction définitive de l'espèce ? Seules des initiatives locales interdisent ou diffèrent la pêche de l'ombre. 

SES POSTES : Les principaux postes à travailler sont les suivants : A la sortie des fosses profondes, à la limite du courant central et de la zone plus calme de bordure. Les gravières et les lisses, au milieu de l'eau dans les profondeurs. Les prémices du courant, poste attitré des truites où ils peuvent nager pendant des heures à contre-courant contrairement à ces dernières, en quête d'insectes fraîchement éclos. Plus l'ombre est gros, plus il aimera le courant fort. Et les fins de courant, au milieu de l'eau, dans le plus profond avant le radier. Et bien sûr, derrière les rochers au milieu de l'eau ou de tout autre obstacle. Ses postes sont moins précis que ceux des truites, peu importe la saison, il erre beaucoup.